Le règlement de copropriété peut-il interdire une profession libérale ?

Oui, une profession libérale peut être interdite dans la copropriété. Tout dépend du règlement de copropriété et de la clause d’habitation bourgeoise en vigueur au sein de l’immeuble. On vous explique tout cela en détail.
Une assistance maternelle qui doit quitter son logement en Savoie à cause de son métier. C’est la mésaventure récente d’une locataire. Finalement, l’agence de gestion s’est rendu compte de son erreur en relisant le règlement de copropriété et l’assistante a pu continuer à y exercer son métier. Mais c’est le genre d’histoire assez fréquente que l’on rencontre.
On fait le point sur ce sujet complexe qu’est le droit ou non à exercer son activité libérale en copropriété.
Exercer une activité libérale en appartement : ce qui est possible dans une copropriété
Pour savoir si vous pouvez ou non exercer une activité libérale, la première des démarches est de lire le règlement de propriété. C’est dans ce document que vous trouvez les informations relatives à la destination de l’immeuble
Comme cela est détaillé dans l’article 8 de la loi du 10 juillet 1965, “un règlement conventionnel de copropriété, (...) détermine la destination des parties tant privatives que communes, ainsi que les conditions de leur jouissance”
La possibilité d’exercer ou non votre activité libérale dépend en effet de la destination de l’immeuble et de sa clause d’habitation en vigueur. Les immeubles en copropriété peuvent servir exclusivement d’habitation ou autoriser d’autres usages (professionnel, commercial). De ce fait, on distingue 3 clauses d’habitation bourgeoise : simple, relative et exclusive.
La clause d’habitation bourgeoise simple autorise les professions libérales
Dans le cadre d’une clause d’habitation bourgeoise simple, les logements sont en principe réservés à l’habitation. Les activités commerciales, artisanales et industrielles et les professions libérales sont normalement interdites.
Toutefois, dans les faits, cette clause permet l'exercice d'activités professionnelles libérales, à condition qu'elles ne portent pas atteinte à la destination de l'immeuble et ne génèrent pas de nuisances pour les autres occupants.
Pour qu'une profession libérale soit autorisée sous le régime de la clause simple, elle doit ainsi respecter les 3 conditions suivantes :
- Ne pas générer de nuisances pour les autres occupants de l'immeuble
- Respecter la tranquillité des lieux et la destination bourgeoise
- Obtenir les autorisations administratives nécessaires le cas échéant
La jurisprudence a continué à évoluer en ce sens depuis la loi de 1965 en précisant les contours de la clause d’habitation bourgeoise simple.
L’interprétation s'appuie sur la jurisprudence constante de la Cour de cassation, notamment l'arrêt du 8 juin 2011 (Cass. 3e civ., n°10-15.891), qui a établi le principe selon lequel une activité peut être autorisée si elle ne crée pas de nuisances plus importantes que celles générées par les professions libérales explicitement autorisées.
Plus récemment, la Cour d'appel de Chambéry, dans son arrêt du 5 juillet 2022 (n° 20/00561), a jugé que "des professions libérales sont admises dans les lots à usage d'habitation dans la mesure où elles n'engendrent pas de nuisances supplémentaires au syndicat de copropriété, sous réserve d'obtenir les autorisations administratives nécessaires".
Le règlement de copropriété précise généralement le type de clause applicable et peut lister les activités libérales autorisées et celles interdites pour lever toute ambiguïté.
La clause d’habitation bourgeoise exclusive interdit les professions libérales
À l'inverse, une clause exclusivement bourgeoise prohibe toute activité professionnelle, y compris libérale. La restriction s'applique même aux professions sans réception de clientèle. Cette clause stipule que toute activité autre que l’habitation est proscrite.
Les activités artisanales, libérales ou de locations saisonnières sont strictement interdites tout comme la location de courte durée.
C’est ce qu’a rappelé l’arrêt de la Cour de cassation du 27 février 2020. La location saisonnière étant une activité commerciale, cette dernière est incompatible avec la clause d’habitation bourgeoise exclusive. Une telle clause ne destine l’immeuble qu’à être occupé en tant que logement.
Il faut faire très attention à la clause d’habitation lorsque vous réalisez l’achat d’un appartement, ou que vous cherchez une location pour votre activité libérale. Avec la clause d'habitation bourgeoise exclusive, vous n’aurez pas l’autorisation de pratiquer une activité professionnelle ni de louer votre bien meublé à une personne extérieure à la résidence dans le cadre d’un contrat de location touristique.
Activité professionnelle et nuisances, le point le plus important
Même autorisée par votre règlement de copropriété, votre activité professionnelle ne doit générer aucune nuisance pour les autres occupants de l'immeuble. Cette règle s'applique quelle que soit la nature de votre profession libérale.
Les nuisances sonores, olfactives ou visuelles constituent un motif légitime d'interdiction de votre activité, même si elle respecte la destination de l'immeuble. Votre syndic peut vous demander de cesser votre activité si elle trouble la jouissance paisible des autres copropriétaires.
Vous devez respecter les horaires de tranquillité et limiter la fréquentation de votre clientèle pour préserver l'harmonie de la copropriété. Les tribunaux examinent au cas par cas si les désagréments excèdent ceux normalement générés par une profession libérale classique.
Qu’en est-il de la plaque professionnelle ?
Avocats, médecins, notaires, architectes, experts-comptables, huissier, nombreuses sont les professions libérales qui ont besoin d’apposer une plaque professionnelle.
La plaque permet de signaler la présence du professionnel, ses horaires et coordonnées. Vu que la plaque est apposée sur le mur de la façade de l’immeuble, la démarche est encadrée par le règlement de copropriété. Ce dernier peut apporter des précisions, à la fois sur les dimensions requises, le matériau ou même les couleurs.
Questions fréquemment posées
Est-il possible d'exercer une profession libérale dans une copropriété ?
L'exercice d'une profession libérale dépend des dispositions du règlement de copropriété. Si le document autorise explicitement les activités libérales ou prévoit un usage mixte habitation-professionnel, il est alors possible d’exercer son activité sans autorisation supplémentaire.
Lorsque le règlement reste silencieux sur ce point, les professions libérales sont généralement tolérées, à condition de ne pas nuire à la jouissance paisible des autres occupants.
Est-ce obligatoire d'avoir un règlement de copropriété ?
Oui, le règlement de copropriété est obligatoire pour tous les immeubles en copropriété depuis la loi du 10 juillet 1965. Il doit être établi dès la création de la copropriété et s'impose à tous les occupants, propriétaires comme locataires. Le règlement de copropriété définit les droits et obligations de chacun, la destination de l'immeuble et les règles de fonctionnement.
Quelles sont les activités non réglementées en copropriété ?
Les activités non réglementées sont les professions libérales ne requérant pas de diplôme spécifique ou d'inscription à un ordre professionnel. Consultants, formateurs, rédacteurs, graphistes ou encore sophrologues peuvent (en général) exercer sans autorisation particulière de la copropriété, à l’inverse des professions médicales ou juridiques.
Comment obtenir l'autorisation des copropriétaires pour mon cabinet ?
Pour obtenir l'autorisation d'exercer votre profession libérale, vous devez d'abord consulter le règlement de copropriété et vérifier si une autorisation est nécessaire.
Si le règlement exige un changement de destination du lot, la demande doit être inscrite à l'ordre du jour de l'assemblée générale et votée à la majorité absolue des copropriétaires selon l'article 25 de la loi du 10 juillet 1965. Le changement d’usage est ensuite demandée via un formulaire en mairie, et l’autorisation est ensuite temporaire ou définitive.
Que faire si les copropriétaires s'opposent à mon activité ?
Face à une opposition des copropriétaires, il convient d'abord que votre activité respecte les dispositions du règlement de copropriété et ne génère aucune nuisance. Vous pouvez contester cette décision devant le tribunal judiciaire si l'interdiction vous paraît abusive ou non fondée juridiquement.
Les charges peuvent-elles augmenter avec une activité professionnelle ?
Les charges de copropriété peuvent effectivement augmenter lorsqu'une activité professionnelle génère un usage plus intensif des parties communes et des équipements collectifs. Les copropriétaires peuvent voter en assemblée générale une majoration des charges spéciales (ascenseur, nettoyage, éclairage) pour le lot concerné, à condition de justifier cette hausse par des coûts supplémentaires réels liés à l'activité libérale.
Installation cabinet médical en copropriété, quelle est la démarche ?
La première des choses est en priorité de consulter votre règlement de copropriété pour vérifier la destination de l'immeuble et les clauses d'habitation en vigueur. La vérification détermine si l'installation d'un cabinet médical nécessite une autorisation préalable des copropriétaires.
Si le règlement autorise les professions libérales, vous pouvez procéder à l'installation sans démarche supplémentaire auprès de la copropriété. Dans le cas contraire, vous devrez inscrire votre demande à l'ordre du jour de la prochaine assemblée générale.
L'autorisation requiert un vote à la majorité absolue selon l'article 25 de la loi du 10 juillet 1965. Parallèlement, effectuez vos démarches administratives auprès de la mairie pour le changement d'usage du local et vérifiez la conformité aux normes d'accessibilité PMR.
Quelles sont les règles à respecter pour exercer une profession libérale dans un local d'habitation ?
L'exercice d'une profession libérale dans un local d'habitation obéit à trois règles fondamentales définies par votre règlement de copropriété et la réglementation locale.
Vous devez respecter la destination de votre lot telle qu'elle figure dans le règlement de copropriété. Si votre appartement est exclusivement destiné à l'habitation, un changement d'usage s'impose avec l'accord des copropriétaires.
L'absence de nuisances constitue la règle principale : votre activité ne peut troubler la tranquillité des autres occupants par des bruits, odeurs ou va-et-vient excessifs. Votre syndic peut intervenir si des plaintes sont déposées.
Dans les communes de plus de 200 000 habitants et en Île-de-France, une autorisation de changement d'usage auprès de la mairie devient obligatoire si vous recevez une clientèle régulière.

