Impayés en copropriété : quels sont les risques ?

Avec 720 000 copropriétés qui ont des difficultés de trésorerie, le problème des impayés de charge est loin d’être marginal. Mais quels sont les risques quand il y a trop d’impayés de charge ? Comment le syndic peut faire face à une telle situation ?
Tout comprendre au problème des charges de copro impayées
Les impayés en copropriété : un phénomène global
En début d’année 2025, la Chambre nationale des commissaires de justice (CNCJ) révélait que 720 000 copropriétés avaient des difficultés de trésorerie,** notamment parmi les petites copropriétés**. Celles qui comptent moins de 10 lots ou moins. Et dans 90 % des cas, les causes des difficultés sont dues à des charges impayées.
2 milliards d’euros de charges de copro impayés, c’était le montant au 1er trimestre 2025
Et dans le détail, 16 % des copropriétés cumulent plus d’un milliard de dettes. Ce qui est le plus inquiétant est que les impayés ont augmenté ces dernières années. Et loin d’être passagers, les impayés s’installent dans la durée, plongeant les copropriétés dans un cercle de problème.
Pourquoi une telle hausse des impayés ?
Plusieurs facteurs sont directement responsables de la hausse. Les charges de copropriété courantes ont en effet augmenté de 50 % en 10 ans, alors que l’inflation n’était que de 20 %. La hausse tient pour beaucoup au coût de l’énergie, mais pas seulement. De plus en plus de copropriétaires qui ne sont pas satisfaits de leur syndic de copro décident de ne plus payer. Un mauvais réflexe mettant en péril les copropriétés dans leur ensemble.
Quels sont les risques des impayés pour la copropriété ?
Un impact sur la trésorerie et le fonctionnement
Le bon fonctionnement d’une copropriété repose sur un équilibre budgétaire. Quand un ou plusieurs copropriétaires ne paient pas leurs charges, cela vient fragiliser directement l’ensemble de la trésorerie de l’immeuble. Le syndic dispose alors de liquidités insuffisantes pour honorer ses engagements financiers.
Les impayés de charge de copropriété compromettent le paiement des fournisseurs, des prestations d’entretien et les charges courantes (chauffage collectif, éclairage des parties communes, maintenance de l’ascenseur, etc.)
Les conséquences immédiates de l'absence d’entretien
Un entretien régulier de l’immeuble est de ce qui permet de préserver la valeur du bâtiment et donc in fine des différents appartements qui le composent. Des impayés de charge entrainent souvent une dégradation justement à cause de l’absence d’entretien et de travaux de rénovation. Une telle négligence génère une usure prématurée du bâtiment et des équipements.
Si les conséquences sont légères en l’absence d’entretien des espaces verts, ce n’est pas le cas des autres équipements. Par exemple, un ascenseur mal entretenu peut tomber en panne, une toiture négligée provoquer des infiltrations d'eau et l'absence d’entretien de la chaudière centrale créer des risques d'incendie.
Les risques juridiques et financiers
Le syndic engage sa responsabilité s'il ne met pas en œuvre les procédures de recouvrement dans les délais légaux. La prescription des créances, fixée à trois ans depuis la loi ALUR, impose une vigilance constante sur le suivi des paiements.
Sur le plan financier, les cas d'impayés peuvent contraindre les copropriétaires à jour dans leurs paiements à supporter des appels de fonds exceptionnels. Bien que le principe de non-solidarité s'applique, l'assemblée générale peut voter un fonds de solidarité temporaire pour compenser le manque de trésorerie.
Dans les situations les plus graves, la copropriété peut basculer en état de carence et nécessiter la nomination d'un administrateur judiciaire. Cette procédure s'accompagne de frais supplémentaires qui pèsent sur l'ensemble des copropriétaires.
Qui paie les impayés dans une copropriété ?
Le principe de non-solidarité entre copropriétaires
La première chose à garder à l’esprit est qu’en cas d'impayés de charges de copropriété, les autres copropriétaires ne sont pas solidaires des dettes. Il s’agit d’une règle fondamentale, inscrite dans la loi de 1965. Elle signifie que vous n'avez pas à supporter financièrement les défaillances de vos voisins copropriétaires.
Chaque copropriétaire reste responsable uniquement de ses propres charges de copropriété, calculées selon sa quote-part de tantièmes.
Si un copropriétaire ne paie pas ses charges, la dette lui incombe exclusivement. Les autres membres de la copropriété ne peuvent pas être contraints de combler ce manque à gagner.
Toutefois, l’absence de solidarité peut créer des difficultés de trésorerie pour la copropriété. Dans certains cas, les copropriétaires réunis en assemblée générale votent la constitution d'un fonds de solidarité exceptionnel. Les copropriétaires peuvent contribuer temporairement au financement des charges courantes, en attendant le recouvrement des sommes dues.
Le rôle et la responsabilité du syndic
Le syndic de copropriété a l'obligation légale de recouvrer les impayées de charges de copropriété. Il en va de sa responsabilité et il s’agit d’ailleurs d’une compétence exclusive du syndic. Le syndic possède des pouvoirs étendus pour recouvrer les impayés
Le syndic engage sa responsabilité professionnelle, car s’il ne fait pas face aux impayés de charges, sa négligence peut causer un préjudice financier à la copropriété.
Notamment si le délai de prescription de 5 ans s'écoule sans qu'aucune procédure de recouvrement n’ait été engagée. Dès le premier impayé, le syndic doit donc mettre en œuvre les démarches de recouvrement sans attendre de décision de l'assemblée générale.
Quelle est la procédure de recouvrement des impayés pour le syndic ?
C’est au syndic de réagir face à des impayés dans le cadre de sa mission de gestion de l’immeuble. Il doit suivre une procédure légale précise afin de récupérer les sommes dues. Il en va de l’intérêt financier de la copropriété.
- La mise en demeure ;
- Le règlement à l’amiable ;
- L’action en justice ;
- La saisie des biens.
La mise en demeure du copropriétaire défaillant
L’envoi d’un courrier de mise en demeure est la première étape pour signifier au copropriétaire qu’il doit s’acquitter du paiement de sa quote-part de charges. Cela peut être effectué dès le premier impayé de charge.
Le syndic n'a besoin d'aucune autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires pour engager cette action en recouvrement des charges.
La mise en demeure prend la forme d’un courrier recommandé qui comprend les informations suivantes :
- L'identité du syndic ;
- L’identité du copropriétaire concerné ;
- Le montant détaillé des charges impayées ;
- La date d'exigibilité des sommes dues et un délai de 30 jours pour régulariser la situation ;
- Un rappel que des intérêts de retard s'appliquent à compter du premier jour du mois suivant la date d'exigibilité des charges.
Le règlement à l’amiable
Avant d’entamer une démarche complexe, le syndic selon les sommes à récupérer et le comportement du copropriétaire, peut procéder à un règlement à l’amiable.
Cela peut prendre la forme d’une discussion avec le copropriétaire concerné. Ou la mise en place d’un calendrier de paiement si le copropriétaire est de bonne foi dans ces difficultés de paiement des charges. Le but est là d’échelonner la dette pour que le copropriétaire puisse la régler progressivement.
Un règlement à l’amiable est un préalable qui permet parfois de débloquer des situations et évite une solution judiciaire lourde et fastidieuse.
L’envoi d’une ou plusieurs lettres de relance
En cas d’impayé qui persiste après la mise en demeure, le syndic peut adresser une lettre de rappel au copropriétaire défaillant. Ce courrier vise à informer le copropriétaire défaillant que la date de paiement est dépassé et qu'une procédure de recouvrement devant le tribunal judiciaire pourra être lancée à son encontre.
Les actions judiciaires
Lorsque le copropriétaire défaillant n’a **pas **payé pas dans les 30 jours suivant la mise en demeure, ou n’a pas répondu aux différents courriers de relance. Le syndic doit alors engager une procédure devant le tribunal judiciaire. Il s’agit du tribunal judiciaire qui a la juridiction sur l’emplacement de l’immeuble.
Pour les impayés inférieurs ou égaux à 5 000 €, le syndic a l’obligation de faire appel au préalable à un conciliateur de justice, un médiateur ou une procédure participative, et cela , avant de saisir le juge. Il s’agit d’un préalable pour ne pas engorger les tribunaux et montrer que toutes les solutions ont été épuisées avant la saisie du juge.
Le syndic dispose ensuite plusieurs options selon la nature des sommes impayées.
- Le recouvrement des charges courantes. Pour récupérer les impayés de charge courante le syndic peut utiliser une requête rapide. Une procédure rapide et peu coûteuse qui ne nécessite pas d’avocat.Si celle-ci est validée, le juge délivre une ordonnance d’injonction de payer. Cette dernière est transmise au copropriétaire en situation d’impayé dans les 6 mois.
- Le recouvrement des charges exceptionnelles. Cela nécessite une procédure de fond qui est un recours classique avec débat contradictoire devant un juge. Les frais exceptionnels peuvent être contestés par le copropriétaire, ce qui n’est pas le cas des charges courantes. La procédure est plus longue et nécessite la présence d’un avocat.
- L’article 210 de la loi Élan en 2018 a introduit **une « super procédure » **de recouvrement. Le syndic peut réclamer toutes les sommes impayées dans une seule procédure : les charges courantes, les charges exceptionnelles, les appels de fonds pour des travaux. C’est un gain de temps précieux pour le syndic et évite de multiplier les procédures.
La saisie immobilière
Une fois le jugement rendu en faveur du syndic, des mesures d'exécution forcée peuvent être mises en œuvre : saisie des comptes bancaires, saisie sur salaire ou même saisie immobilière du lot de copropriété.
Cette dernière mesure, qui peut conduire à la vente forcée du bien, nécessite cependant l'autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires.
Les frais de recouvrement et prescription
Tous les frais engagés par le syndic pour le recouvrement des charges impayées sont à la charge du copropriétaire défaillant. Les frais comprennent les courriers de mise en demeure, les honoraires d'huissier, les frais de procédure judiciaire et une partie des honoraires particuliers du syndic prévus au contrat pour la procédure de recouvrement.
Le syndic dispose d'un délai de prescription de cinq ans à compter de la date d'exigibilité de la créance pour agir contre le copropriétaire défaillant.
Il s’agit d’un délai relativement court qui impose au syndic de réagir vite face aux impayés. S'il n'engage aucune procédure de recouvrement pendant cette période, la copropriété peut engager sa responsabilité plutôt que celle du copropriétaire.
Il est important de noter que la prescription ne signifie pas que les charges impayées ne sont plus dues. Elle signifie uniquement que le syndic ne peut plus les réclamer en justice après ce délai de cinq ans. Ce qui peut engager sa responsabilité professionnelle vis-à-vis de la copropriété.
Questions fréquentes
Est-il possible de ne pas payer ses charges de copropriété ?
Non, vous ne pouvez pas légalement vous abstenir de payer vos charges de copropriété. L'obligation découle de la loi du 10 juillet 1965 imposant à chaque copropriétaire de contribuer aux dépenses communes. Le non-paiement expose à une mise en demeure du syndic, et ultimement à une procédure judiciaire avec saisie possible de votre bien immobilier.
Quel est le processus de recouvrement des charges impayées en copropriété ?
Le syndic envoie une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception. Cela peut être suivi d'une ou plusieurs lettres de relance. Si l'impayé persiste après 30 jours, le syndic saisit le tribunal judiciaire du lieu de situation de l'immeuble. Il pourra obtenir une condamnation du copropriétaire défaillant au paiement des arriérés et des provisions futures.
Quelles sont les garanties dont dispose la copropriété en cas de charges impayées ?
La copropriété bénéficie de plusieurs garanties légales pour sécuriser le recouvrement des charges impayées. L'hypothèque légale constitue la principale protection : elle s'inscrit automatiquement sur le lot du copropriétaire défaillant et garantit le paiement de toutes les créances du syndicat. La garantie s'applique aux charges courantes, aux travaux votés et aux cotisations du fonds de travaux sur une période de cinq ans.
Que faire si un copropriétaire ne paie pas ses charges de copropriété ?
Face à un copropriétaire défaillant, vous devez alerter rapidement votre syndic qui lance une procédure de recouvrement. Contactez également le conseil syndical pour suivre la situation et envisager un règlement amiable si les difficultés financières sont temporaires. Vous pouvez aussi demander en assemblée générale le vote d'une avance de trésorerie pour compenser l'impact des impayés sur le budget de la copropriété.
Quelles sont les conséquences des impayés pour la copropriété ?
Les impayés fragilisent directement la trésorerie de votre copropriété et compromettent son fonctionnement quotidien. La copro risque de ne plus pouvoir régler ses factures d'entretien, suspendre le chauffage collectif ou interrompre la maintenance de l'ascenseur, créant une dégradation progressive du bâtiment qui nuit à tous les copropriétaires.
La loi ALUR et les impayés des charges de copropriété
Promulguée en mars 2014, la loi ALUR a renforcé les outils juridiques à disposition des syndics face aux impayés de charges. Cette législation a introduit notamment des procédures accélérées pour le recouvrement et facilite la désignation d'un administrateur provisoire lorsque les impayés atteignent 25 % du budget prévisionnel.
La loi simplifie aussi les démarches en autorisant le syndic à réclamer simultanément les charges antérieures et futures lors d'une seule action judiciaire. Cette possibilité évite de multiplier les procédures et accélère significativement le processus de recouvrement.

